741- Il y a quelque chose qui est un peu oublié et c’est dommage, c’est l’expression l’amour libre. Qui vous indique immédiatement que cette curieuse expérience est absolument gratuite. Si ce n’est pas gratuit, ce n’est pas de l’amour. Mais désormais plus rien n’est gratuit. Donc la rentabilisation de l’amour est le problème.

On est dans une période tout à fait hystérique et très intéressante, qui porte en effet sur l’impossibilité de l’amour. On vous ramène sans arrêt, par des discours pieux, religieux, vers le fait que tout est faut dans l’amour, puisque la seule chose à prouver, et qu’on évite, est que l’amour, le vrai, est gratuit, comme l’enfance est gratuite.

740- C’est une façon tout à fait spécifique de trouver son identité dans l’autre, telle qu’elle apparaît en perspective sur fond de différence complète. C’est très rare. L’amour est très rare. On en parle sans arrêt alors que c’est d’une rareté extrême. C’est extrêmement galvaudé, marchandisé, comme à peu près tout d’ailleurs. Pour s’y retrouver, il faut être une personne qui atteint, dans cette expérience toujours singulière, son identité.
Je suis très heureux d’avoir saisi assez vite que l’amour ouvrait la porte essentielle de la vie, de la mort, et de la nature. Quand je lis dans la Bible que l’amour est aussi fort que la mort, ça m’intéresse beaucoup ; il faut se mettre en face de la mort pour savoir ce qu’il en est de l’amour. L’amour se dessine comme étant une force antimortelle.

[UNE CONVERSATION INFINIE. Éditions Bayard, 2019.]