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746- Le malentendu porte sur quasiment tout. Je pense que le malentendu en question est d’essence sociale. Il n’y a pas de malentendu originel, sauf à se propulser dans le péché originel. On n’est pas obligé de marcher dans toutes ces mythologies. Je ne crois pas qu’il y ait un malentendu de fond. C’est organisé par le « serpent » sociologique, pour que ce soit contrôlé par différentes formes de pouvoir. Le pouvoir religieux, bien entendu. Dieu sait si ça a fonctionné. Ça ne fonctionne plus guère, sauf dans des communautés, disons de plus en plus exotiques. Je suis très opposé à cette thèse du malentendu fondamental.

745- Je suis contre tout ce qui, à jet continu, reprend la thèse d’une séparation fondamentale. Et quand je dis que la preuve est le fait de pouvoir écouter de la musique ensemble, cela signifie qu’on s’entend. Si on peut se taire en écoutant ensemble Bach, ou Joseph Haydn, ou d’autres, cela prouve qu’au-delà de cette histoire rocambolesque de séparation entre les sexes, on peut, malgré tout, s’entendre.

744- Pour un homme, zéro femme pourquoi pas ? Une femme seulement, c’est maman. Deux, c’est l’enfer. À trois la liberté commence.
Je me suis toujours arrangé pour avoir une triple ou une quadruple vie.

[UNE CONVERSATION INFINIE. Éditions Bayard, 2019.]

741- Il y a quelque chose qui est un peu oublié et c’est dommage, c’est l’expression l’amour libre. Qui vous indique immédiatement que cette curieuse expérience est absolument gratuite. Si ce n’est pas gratuit, ce n’est pas de l’amour. Mais désormais plus rien n’est gratuit. Donc la rentabilisation de l’amour est le problème.

On est dans une période tout à fait hystérique et très intéressante, qui porte en effet sur l’impossibilité de l’amour. On vous ramène sans arrêt, par des discours pieux, religieux, vers le fait que tout est faut dans l’amour, puisque la seule chose à prouver, et qu’on évite, est que l’amour, le vrai, est gratuit, comme l’enfance est gratuite.

740- C’est une façon tout à fait spécifique de trouver son identité dans l’autre, telle qu’elle apparaît en perspective sur fond de différence complète. C’est très rare. L’amour est très rare. On en parle sans arrêt alors que c’est d’une rareté extrême. C’est extrêmement galvaudé, marchandisé, comme à peu près tout d’ailleurs. Pour s’y retrouver, il faut être une personne qui atteint, dans cette expérience toujours singulière, son identité.
Je suis très heureux d’avoir saisi assez vite que l’amour ouvrait la porte essentielle de la vie, de la mort, et de la nature. Quand je lis dans la Bible que l’amour est aussi fort que la mort, ça m’intéresse beaucoup ; il faut se mettre en face de la mort pour savoir ce qu’il en est de l’amour. L’amour se dessine comme étant une force antimortelle.

[UNE CONVERSATION INFINIE. Éditions Bayard, 2019.]